Pour son intérêt en topographie, son utilité dans la
gestion des ressources et son importance comme barrière
géopolitique, la ligne de partage des eaux (LPE) est
étudiée dès le 19ème siècle par Maxwell et Jordan. Un
siècle plus tard, elle est introduite par Digabel et
Lantuéjoul comme une étape fondamentale pour la
segmentation d'images en morphologie mathématique. Cette
thèse s'intéresse aux aspects théoriques de la LPE dans
les espaces discrets et à son application pour l'analyse
d'images cardiaques spatio-temporelles.
Classification de quelques approches discrètes de
ligne de partage de eaux
Le premier chapitre de cette thèse présente quatre
approches de la LPE qui sont parmi les plus populaires
en analyse d'images : LPE par inondation,
topographique, inter-pixel (par inondation) et
topologique. Chacune d'elles cherche à vérifier une
propriété ou une autre dérivée d'idées intuitives
provenant de la topographie. Nous classifions ces
méthodes en fonction de cinq propriétés qui
correspondent à l'une ou l'autre de ces idées
intuitives: aucune de ces méthodes ne satisfait les cinq
propriétés. Cela pose donc la problématique théorique de
la thèse : l'existence d'une notion de LPE vérifiant cet
ensemble de propriétés.
Graphes de fusion : clivages et propriétés de la
fusion de régions
Les méthodes de fusion de régions utilisées en
analyse d'images améliorent une segmentation initiale
(obtenue, par exemple, par LPE) en fusionnant des
paires de régions voisines. Nous considérons une
segmentation comme un ensemble de régions connexes
séparées par une frontière. Si l'ensemble frontière ne
peut pas être réduit sans fusionner deux régions, nous
disons alors qu'il s'agit d'un clivage.
Dans un cadre général de graphes, certaines
configurations de points ne permettent pas de fusionner
deux et uniquement deux régions. Nous définissons
quatre classes de graphes de fusion dans lesquels les
situations problématiques sont peu à peu
supprimées. L'un des résultats principaux est que l'une
de ces classes est celle dans laquelle tout clivage est
mince. Nous donnons des caractérisations locales de
deux de ces classes de graphes et prouvons que les deux
autres ne peuvent pas être caractérisées
localement.
Aucune des relations d'adjacence usuelles employées
pour analyser des images bidimensionnelles et
tridimensionnelles ne vérifie des propriétés de fusion
satisfaisantes. Nous introduisons la grille de fusion
parfaite pour Z^n, c'est à dire pour les images
digitales de dimension quelconque. Il s'agit d'un
graphe régulier dans lequel deux régions voisines
peuvent toujours être fusionnées en supprimant de
l'ensemble frontière les points adjacents aux deux
régions.
Graphes de fusion pondérés : lignes de partage
des eaux et fusion de régions
Nous étendons les propriétés des graphes de fusion
aux cas des graphes à sommets pondérés. La notion de
LPE topologique étend celle de clivage au cas des
fonctions de pondération. En fait, elle fournit une
définition en termes rigoureux de la notion de LPE
d'un graphe à sommets pondérés et permet de prouver
des propriétés importantes qui ne sont pas garanties
par la plupart des algorithmes de LPE.
Nous étendons la notion de minceur ensembliste aux
fonctions et étudions la classe des graphes dans
lesquels toute LPE topologique est une fonction
mince. Nous exhibons une caractérisation de cette
classe et montrons les liens forts entre minceur des
LPE topologiques et les classes de graphes de
fusion.
Nous étudions les LPE dans les graphes de fusion
parfaits. Nous proposons un algorithme d'immersion
monotone et démontrons sa justesse alors qu'en
général un tel algorithme n'existe pas. L'avantage
principal est de réduire à un temps linéaire la
complexité pour calculer des séparations
correspondant à des LPE topologiques. Contrairement
au cas général, dans ce cadre de travail, les
séparations obtenues par LPE topologiques sont
toujours des clivages minces. Les graphes de fusion
parfaits, constituent donc un premier cadre de
travail (adapté, entre autre, aux procédures de
fusion de régions) dans lequel les LPE vérifient un
jeu de propriétés mathématiques
remarquables.
Grâce à la notion de graphe d'arêtes, un concept
classique en théorie des graphes, les propriétés des
graphes de fusion parfaits s'étendent aux graphes à
arêtes pondérées.
Ligne de partage des eaux dans les graphes à arêtes
pondérées
Nous étudions en profondeur les LPE dans les graphes a
arêtes pondérées. Elles peuvent y être définies en
suivant l'idée de gouttes d'eau s'écoulant sur un relief
topographique. La consistance de ce cadre de travail est
établie : les LPE peuvent y être caractérisées aussi
bien par leurs bassins d'attraction (régions) à travers
une propriété de plus grande pente que par les lignes
qui les séparent (bord) à travers le principe de la
goutte d'eau. Ensuite, nous établissons, par un théorème
d'équivalence, l'optimalité (en termes de forêt
couvrante de poids minimum) de ces LPE. Finalement, nous
montrons les liens mathématiques avec les forêts de plus
courts chemins et les LPE topologiques. A notre
connaissance, aucune autre approche discrète de LPE ne
vérifie toutes ces propriétés.
Afin de calculer ces LPE, nous introduisons une
transformation d'amincissement qui consiste à abaisser
la valeur de certaines arêtes qui satisfont une
propriété simple qui peut être testée localement. Nous
montrons que cette transformation permet d'obtenir une
LPE et, plus remarquablement, que toute LPE peut être
obtenue par cette transformation. Nous dérivons deux
algorithmes linéaires qui sont, à notre connaissance,
les plus efficaces - en théorie et en pratique - parmi
les stratégies existantes de calcul de LPE.
Finalement, nous présentons quelques illustrations en
segmentation d'images qui montrent que l'approche
proposée peut s'avérer plus précise que celle dans les
graphes à sommets pondérés.
Segmentation d'images cardiaques
spatio-temporelles
Reposant sur la LPE dans un graphe (4D) à arêtes
pondérées et sur des opérateurs classiques de la
morphologie mathématique, nous développons un
logiciel pour segmenter automatiquement le myocarde
ventriculaire gauche dans des images 4D (3D+t) par
résonance magnétique de type ciné.
Grâce à la comparaison avec des segmentations
manuelles effectuées par deux cardiologues, nous
démontrons la précision des contours obtenus
automatiquement. Sur 18 patients la distance moyenne
entre surfaces extraites automatiquement et
manuellement est égale à 1.42 +- 0.36 mm et 1.55 +-
0.23 mm pour respectivement les frontières
endocardiques et epicardiques. Pour chaque contour,
cela correspond à un déplacement moyen inférieur à la
taille d'un voxel. La fraction d'éjection (FE) et la
masse myocardique (MM), deux paramètres critiques
dans les diagnostics cardiaques, peuvent être
dérivées des segmentations. L'analyse statistique
démontre une bonne corrélation (0.98 et 0.99 pour
respectivement la FE et la MM) entre les paramètres
dérivés des segmentations automatiques et ceux
dérivés des segmentations manuelles.
Pour mettre en avant le gain obtenu grâce à la
méthode 4D, nous comparons ces résultats à une
variante utilisant uniquement des LPE 3D (une par
image 3D). Nous démontrons ainsi que la procédure 4D
proposée permet de maintenir la cohérence temporelle
entre les segmentations successives au cours du cycle
cardiaque.
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