Les acteurs autour de la controverse sur le gaz de Schiste sont clairement divisés en deux camps : les partisans et les opposants.
Les partisans :
Composés de toutes les entreprises gazières, notamment de Total, GDF Suez, Exxon Mobil (Société présente en Allemagne, Hongrie), Chevron (Société présente en Lituanie, Pologne), Halliburton (Société présente aux États-Unis), mais aussi d'associations telles que l'Amicale des Foreurs et des Métiers du Pétrole (AFMP) ou encore d'instituts de recherche tels que National Science Foundation (NSF).
Leurs arguments sont :
- Le forage en profondeur est maîtrisé et ne représente aucun danger. Selon eux, on sait très bien forer en profondeur et traverser les nappes phréatiques sans les altérer.
- L'utilisation serait bénéfique d'un point de vue économique puisqu'elle permettrait une certaine indépendance énergétique. En France par exemple, les principaux consommateurs de gaz sont le secteur tertiaire, le résidentiel et l'industrie, et moins de 2 % de leur consommation provient de la production nationale. L'exploitation du gaz de Schiste en France permettrait à la France de couvrir sa consommation annuelle de gaz sans importations pendant 100 ans.
- Une ressource en très grandes réserves : la France aurait en ses sous-sols pas moins de 5 100 milliards de mètres cube de réserves récupérables de gaz de Schiste. Soit plus de 100 fois sa consommation annuelle. Avec une production de 20 milliards de mètres cube par an, la France disposerait donc de 17,2 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP), soit 12 % de sa production d’énergie (168 millions TEP).
- Le faible coût de l'énergie constitue un atout de poids pour la compétitivité des entreprises. Une baisse des prix de l'énergie serait à prévoir. Aux Etats-Unis par exemple, l’exploitation des gaz de Schiste a entraîné un effondrement des prix et offert aux industriels un gaz trois à quatre fois moins cher qu’en Europe.
- La création d'emploi : le secteur des hydrocarbures non conventionnels est un secteur générateur d’emplois. En France, on peut estimer à environ 62 000 le nombre de créations d’emplois pour ce secteur.
Quelques personnalités encourageant l'exploitation du gaz de Schiste :
Le 24 janvier 2012, dans son discours sur l’état de l’Union, le Président Obama déclarait, à propos des gaz de Schiste : « Nous avons une réserve de gaz naturel qui peut satisfaire les États-Unis pour presque 100 ans. Mon administration va faire tout ce qui est en son pouvoir pour
développer en toute sécurité cette énergie. Les experts croient que ceci va permettre de créer plus de 600 000 emplois d’ici la fin de la décennie ».
Le PDG de Total a dit regretter l'interdiction de la technique de la fracturation hydraulique votée par l'Assemblée nationale, et vouloir rechercher une autre solution pour explorer les sols et des moyens plus propres pour exploiter le gaz de Schiste précisant que « ce qui a été
voté n'exclut pas la possibilité pour les compagnies de rester titulaires de leurs droits miniers, ce qui est d'ailleurs assez habile […]. On va garder nos droits et puis faire en sorte qu'un jour les gens comprennent qu'on puisse faire de la fracturation hydraulique de manière propre ».
Selon Michel Combarnous, physicien français, membre fondateur de l’Académie des technologies : « Le forage horizontal est généralisé depuis les années 1980, et les débuts de la fracturation hydraulique remontent à 1948. Actuellement, plus de 10 000 fracturations sont effectuées chaque année dans
le monde, y compris pour la géothermie ou la production d’eau potable […]. Pour ne pas polluer les nappes phréatiques, plusieurs tubages en acier sont mis en place sur les premières centaines de mètres du puits, comme cela se pratique dans tous les forages […]. Même si le risque zéro n’existe pas, il est possible
d’extraire «proprement» le gaz de Schiste ».
Les opposants :
Composés de l'Environment Protection Agency (EPA), l'Association Santé Environnement France (ASEF), France Nature Environnement (FNE), les verts, ainsi tous les militants et associations écologiques.
Leurs arguments sont :
- Impact fort sur le paysage à long terme : l'exploitation du gaz de Schiste est accusée de dégrader le paysage. Avec par exemple la création de routes et pistes pour l'accès aux engins, de tuyaux (gazoduc), ou encore, le rejet de polluants.
- Impact sur les nappes phréatiques : l'exploitation de gaz de Schiste est accusée de polluer les nappes phréatiques. En effet, les techniques de forage nécessitent l’utilisation de centaines de produits chimiques qui sont pour la plupart toxiques, voire cancérigènes d’après le Dr Pierre Souvet, Président de l’ASEF. De plus les grandes quantités d'eau douce utilisées se retrouvent fortement polluées après un forage.
- Tremblements de terre et fragilisation des sols : la fracturation entraîne une fragilisation du site, ce qui peut provoquer des séismes. En Grande-Bretagne, à Blackpool, deux tremblements de terres de magnitude 2,3 en avril 2011 et 1,5 en juin 2011 ont été détectés, et d'après les sismologues, il y aurait un lien avec l'extraction du gaz de Schiste. Le mardi 21 juin 2011, l'Arkansas Commission du pétrole et du gaz de l'Arkansas fait passer un moratoire, interdisant temporairement l'exploitation par fracturation, en raison de 1220 tremblements de terres recensés provenant de cette technique de depuis le début de l'année et notablement un de magnitude 4,7 sur l'échelle de Richter.
- Consommation excessive d'eau pour la fracturation hydraulique : la technique nécessite une grande quantité d’eau (10000 à 15000 mètres cube par puits, soit l’équivalent de 4 piscines olmpiques).
- Pollution de l'atmosphère : même si le gaz de Schiste dégage moins de CO2 que le charbon, sa combustion engendre tout de même un dégagement de CO2, et surtout un fort des fuites de méthane.
Quelques personnalités s’opposant à la production de gaz de Schiste :
Delphine Batho (Ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie) déclare que : « La fracturation hydraulique, qui est la seule technique qui existe pour exploiter et explorer les gaz de Schiste, est interdite. Et toutes les demandes de permis qui
relèvent de cette technique et qui viseraient à l'exploitation des gaz de Schiste sont rejetées, et s'il y en avait d'autres elles le seraient également pour la durée du quinquennat. […] C'est un fait, qui est irréfutable, il n'y a pas aujourd'hui d'autres techniques que la fracturation hydraulique ».
François Hollande a fait valoir que : « Dans l'état actuel de nos connaissances, personne ne peut affirmer que l'exploitation des gaz et huiles de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd'hui connue, est exempte de risques lourds pour la
santé et l'environnement ».
Charte du Militant « Stop au gaz de Schiste » :
I. Le militant anti-Gaz de Schiste exige :
• L'abrogation définitive de tous les permis accordés en France, la modification de la loi de juillet 2011.
• L'interdiction de toute technique nécessitant de fracturer, stimuler ou encore de fissurer la roche et ayant pour conséquence de porter atteinte à son intégrité pour en extraire les hydrocarbures dits de roche-mère.
• Un débat public et participatif sur l'avenir énergétique et le développement des énergies renouvelables.
• La refonte du Code minier.
II. Si le gouvernement ne respecte pas le principe de précaution inscrit dans la constitution, pour que la démocratie reste une réalité, les citoyens n'ont à leur disposition que l’état de nécessité inscrit dans le code pénal. Il permet de désobéir à la loi au nom des valeurs supérieures ordonnées au bien commun qui légitiment leurs actions. Le militant anti-Gaz de Schiste choisit de bloquer ou de soutenir une action de blocage des travaux d’exploration ou d’exploitation de gisement d'hydrocarbure. Il agit à visage découvert dans les formes de la désobéissance civile non violente qui respecte les personnes. Le militant anti-Gaz de Schiste assure personnellement les conséquences civiles et pénales de ses actes dans le cadre d’actions collectives. Une solidarité active est mise en oeuvre afin que quelques uns ne payent pas pour tous par leur personne ou par leurs biens.
III. En l’absence de tout recours démocratique, militant anti-Gaz de Schiste, je me porte volontaire pour participer à une action collective de blocage de tout travaux d’exploration ou d’exploitation d’un gisement d’hydrocarbure jugé dangereux pour l’environnement et la santé des populations. Je m’engage à respecter les consignes de l’action non-violente. J’ai été informé(e) des risques que j’encours en participant à de telles actions. Je m’engage également à participer aux diverses formes d’actions de communication et de solidarité autour des procès consécutifs à ces actions.
Interview d’Adeline MATHIEN, chargée de mission Energie chez France Nature Environnement :
ESIEE : Qu’est-ce qu’est la FNE et comment intervient-elle?
Adeline MATHIEN : La FNE est une filiation d’associations de protection de la nature et de l’environnement en France mais aussi en outre-mer, donc nous avons un bagage territorial assez important. Au niveau de la fédération nationale, nous nous structurons en réseaux thématiques donc par exemple il y a le réseau énergétique dans lequel je suis salarié. Notre but est de défendre une vision du système énergétique différente du modèle actuel pour nous engager vers une transition énergétique un peu plus sobre en respect de l’environnement, du climat, de la santé des populations etc.
ESIEE : Et parmi ces sujets, le gaz de schiste ?
A.M. : Effectivement c’est un dossier que l’on traite.
ESIEE : Comment gérez-vous ce cas ?
A.M. : Ce sont les associations qui sont sur le terrain et qui luttent pour retirer les permis d’autorisation de travaux de forage. Les réseaux juridiques peuvent aussi les aider pour les accompagner dans l’avancement du projet.
ESIEE : Pensez-vous qu’extraire du gaz de Schiste soit une solution pour ne plus importer ?
A.M. : La FNE a une position très claire : contre.
ESIEE : Reconnaissez-vous tout de même un argument pour ?
A.M. : Il y a l’argument économique, mais il n’est pas très convaincant puisque il n’y a pas de preuves concrètes et nous pouvons forcément trouver d’autres solutions.
ESIEE : Quelles sont ces solutions ?
A.M. : Réduire la consommation globale, essentiellement la consommation d’hydrocarbures. Le secteur des transports est le plus consommateur. Il y des alternatives, certes ambitieuses, avec la réduction de carburant mais aussi avec l’aménagement du territoire.
ESIEE : Ne pensez-vous tout de même pas que nous pouvons extraire sans polluer l’environnement ?
A.M. : Outre l’environnement, il y a également une pollution locale et l’extraction d’hydrocarbures peut très probablement entrainer un changement climatique…
ESIEE : Par rapport aux années précédentes, y a-t-il une évolution du dossier ?
A.M. : Le dossier est bloqué en France. La loi interdit la fracturation hydraulique depuis 2011. C’est aujourd’hui la seule technique proposée et il faudra 10 à 20 ans pour en trouver une autre. D’ici là nous espérons une décroissance de la consommation d’hydrocarbures sinon il y aura un problème climatique. Lors de l’apparition de cette alternative, nous pensons qu’elle sera inutile puisque nous n’en aurons alors plus besoin : on a, en France, un potentiel (des gisements) pour produire du biogaz.
ESIEE : En France, le dossier gaz de Schiste est « bloqué », mais y a-t-il toujours des demandes pour pratiquer la fracturation hydraulique ?
A.M. : Les pétroliers ne peuvent rien faire mais la polémique est toujours en cours, encore plus aujourd’hui.
ESIEE : Y a-t-il de plus en plus de tensions au sujet du gaz de Schiste entre les partisans et les opposants ?
A.M. : Il y a actuellement un débat-nation sur la transition énergétique, et le fait de relancer le sujet du gaz de Schiste serait vraiment déplacé de leur part (les partisans), cette attaque serait mal perçue par les ONG.
ESIEE : Comment se fait la communication ?
A.M. : Par la presse et les plaidoyers qui se font dans les ministères pour affirmer les positions.
L'extraction du gaz de Schiste est donc un débat qui renferme de nombreux enjeux : des enjeux écologiques, environnementaux et sanitaires, mais également économiques et politiques se présentent.
Les aspects écologiques, environnementaux et sanitaires résident dans le fait que les nappes phréatiques sont menacées, des gaz sont libérés dans l'atmosphère, la création de sites de forage détériore totalement le paysage et fragilise la zone exploitée, et enfin l'eau douce utilisée pour la fracture est grandement polluée.
Les aspects économiques et politiques, quant à eux, résident dans le fait que l'exploitation du gaz de Schiste peut générer de l'emploi, favorise la croissance, permet de réduire les importations, et de fait offre un pouvoir d’autosuffisance pouvant empêcher la Russie, le Qatar et l'Iran de dicter des prix plus élevés pour le gaz qu'ils exportent vers l'Europe.