Explorations Interculturelles :
Bron Malinowski

Culture : Bloods vs Crips


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Dans la ville de Los Angeles, appelée également Gangland, seulement à quelques miles des strass et des paillettes d’Hollywood et des villas de stars de Beverly Hills, des guerres de clans font rage. En effet, bon nombre d'immigrés clandestins, qui n'ont pas réussi à vivre leur rêve américain, ont été victimes de la ghettoïsation et ont fait naître dans cette Mégalopole américaine les gangs les plus dangereux et les mieux établis à travers tous les Etats-Unis. Cela résulte en partie du malaise social qui sévit dans le sud de la Californie

Environ 40 des plus gros street gangs actuels de la Californie sont concentrés à L.A. et sa périphérie. Ils confrontent les Afro-Américains, les Asiatiques, les Hispaniques et les Blancs. Bien que les clivages raciaux s'estompent ces dernières années à cause de l'évolution des mentalités et des besoins d'élargissement de recrutement au sein des gangs, les tensions et les conflits dus aux guerres de territoire pour vendre la drogue existent toujours.


Histoire

Deux des plus gros et plus populaires gangs Afro-Américains actuels tirent leurs origines dans l’assassinat en 1969 des deux leaders du mouvement Black Panthers (groupement qui défendait la communauté noire des violences policières). En effet suite à ces évènements, dans la même année, afin de protéger lui-même sont quartier South Central Los Angeles, le jeune Raymond Washington (15 ans) fonde le groupe des Baby Avenues West Side. Puis, en s’alliant aux les Baby Avenues East Side, dirigés par Tookie William, il donne naissance au fameux gang des Crips.

Raymond Lee Washington :               Stanley Tookie Williams :
raymond_washington     tookie_williams

Perdant petit à petit leur vocation première de « protecteurs » du quartier, le groupe gagne au fur et à mesure la réputation de gang de voyous.

En réponse aux agressions et aux rackets commis par les Crips de la commune de Compton, en 1972 les jeunes de Piru Street s’allient à d’autres gangs et forment leur propre gang pour se défendre : les Bloods. Vincent Owens et Sylvester Scott sont considérés comme les principaux fondateurs.

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Signe P de Piru Street Boys, ce symbole existe encore
aujourd’hui pour symboliser les Bloods :



En 1978, 45 gangs rattachés aux Crips opèrent à Los Angeles et ceux-ci dépassent en nombre les groupes de Bloods selon la proportion de trois pour un. Pour affirmer leur puissance malgré cette différence en nombre, alors que Los Angeles subit une énorme montée de la vente de crack et de cocaïne, les groupes de Bloods deviennent de plus en plus violents. En 1979, Raymond Washington est assassiné à côté de chez lui.

Eason Clifton commence alors à gérer le groupe des Crips.


Au milieu des années 80, la région de Los Angeles compte environ 30 000 membres de gangs. Les énormes profits que génère la vente du crack, de marijuana et des amphétamines permettent aux gangs de s'exporter vers d'autres villes et États. Il en résulte que beaucoup de jeunes gens d'autres États adoptent le nom et le style de vie des Crips et des Bloods.

Du fait de ces facteurs, le nombre de membres des Crips s'accroît très fortement dans les années 1980 et devient l'un des gangs les plus importants du pays.

Les Bloods de la côte Est, quant à eux, se retrouvent affiliés au United Blood Nation, un gang formé au sein du système carcéral de la ville de New York au Centre de Détention George Mochen, sur l’île Rikers. Les Bloods, plus violents que les autres gangs, mais aussi beaucoup moins organisés, intensifient leur recrutement et initient les jeunes très tôt à des attaques d’une grande violence. Le sang comme rituel devient la marque de commerce pour les Bloods.

Centre de détention de Rikers Island :
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Le nombre d’homicides augmente chaque année de 1985 à 1992 en Californie. Cependant, les émeutes de 1992 à Los Angeles, après que quatre officiers de police aient était acquittés suite passage à tabac de l’automobiliste noir-américain Rodney King, les chiffres se stabilisent.

Les habitants de Piru Street et les Crips décident même de conclure une trêve.

En 1998, on recense 150 000 membres de gangs dans la région de Los Angeles. Le nombre d'homicides attribués à la guerre des gangs est cependant en baisse.


Condamné à la peine capitale en 1981, et militant depuis les années 90 pour la non-violence et la paix depuis sa cellule, Tookie Williams s'exprime en 2005 depuis le couloir de la mort pour dire aux Crips et aux Bloods de cesser les combats. S'ensuit une accalmie passagère mais la guerre n'est pas finie pour autant. Il est exécuté la même année.

Aujourd'hui, il y a à peu près 274 gangs rattachés aux Bloods et aux Crips dans la région de Los Angeles. On peut également retrouver maintenant ces gangs dans tous les États-Unis, au Canada, et dans les Caraïbes.


Culture

Chacun des gangs a développé une réelle culture. Ces cultures maintiennent la cohésion et l’esprit de groupe de chaque gang.

L’identification des membres se fait à l’aide de différents indicateurs comme les couleurs, bijoux, symboles, tatouages, et un code vestimentaire très strict. La tenue vestimentaire est importante pour déterminer l'appartenance à un gang car la plupart des membres actifs ne s'en cachent pas et le montrent même plutôt fièrement : les Crips s'habillent en bleu ou en noir, tandis que les Bloods, en réponse, ont choisi le rouge.

Gang Crips :                                      Gang Bloods :
crips     bloods

Le stacking est un langage inspiré du langage pour les sourds-muets. Il s’agit d’une manière de communiquer par signes. Ainsi chaque gang possède ses codes permettant aux membres de s’identifier entre eux rapidement suivant la façon dont ceux-ci croisent les doigts pour se saluer ou bien pour poser sur les photos. Ce langage permet également de communiquer de façon discrète avec ses acolytes.

En outre, à l’oral certains codes existent. Certains Crips n’emploient pas la lettre B (car assimilée aux Bloods). Entre eux, ils s'appellent généralement « cuz », pour cousin, tandis que les Bloods s'appellent « brother ». Durant les années 1970 et 1980, les Crips avaient pris l'habitude de communiquer en Kiswahili en prison pour ne pas se faire comprendre des gardes et des autres gangs rivaux.

Les gangs utilisent des codes graphiques via leurs tatouages ou leurs graffitis. Les tags et graffs servent à clamer un territoire, un pâté de maison ou une rue. Les Bloods et les Crips tagguent leurs noms ou des insultes envers l'autre, les Bloods appelant les Crips péjorativement les Crabs, et les Crips désignant les Bloods par Slobs.

Graffitis Crips :                                      Graffitis Bloods :
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Les Crips ont également créé une danse dénommée le C-walk qui à l'origine n'était exécutée que par les Crips. Elle s'est cependant largement développée notamment grâce au rappeur Ice Cube. En effet, plusieurs rappeurs font ou ont fait partie des gangs Bloods et Crips.

Le rappeur The Game est membre des Bloods. Dans ses clips ou sur scène, il est souvent vêtu d'habits rouges. Il possède également des tatouages ayant des rapports avec le gang (par exemple les étoiles rouges à cinq branches sur sa figure et dans son cou).

The Game
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Quelques rappeurs connus furent aussi membres des Crips : Eazy-E, Coolio, Nate Dogg, Snoop Dogg, Xzibit, Ice Cube, Ice-T ou encore Young Jeezy.

Snoop Dogg dansant le C-Walk
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Banditisme

L'économie des gangs de Los Angeles repose sur presque tous les trafics, délits et crimes qui existent : de l'extorsion de fond aux agressions en passant par les vols, et du trafic de drogues à celui d'armes en passant par la prostitution. Les rivalités entre les différents gangs sont donc entretenues : comme des entreprises, ceux-ci essaient de gagner des parts de marchés, sauf que dans la rue, les stock-options sont des pâtés de maisons et les O.P.A se règlent à l’Uzi.

L'arsenal à la disposition des gangs est impressionnant. Les rixes à mains nues sont courantes, mais souvent, les combattants n'hésitent pas à utiliser tous les objets contondants et armes blanches qu'ils trouvent. Battes de baseball, marteaux, pipettes brisées, couteaux de cuisines ou machettes sont régulièrement utilisées. Plus radical, la panoplie d'armes à feu qui est disponible dans les rues de Los Angeles est digne d'une armée: Beretta 9mm, 357 magnum, fusil calibre 33, fusil à pompe, AK47, MAC10 et Uzi.

Sur l’image ci-dessous, le Blood est équipé d’un AK47, tandis que le Crip est armé d’un Uzi.
Il est intéressant de noter les lettres P (Piru) et C (Crips), que désignent les doigts des gangsters.
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Cet armement a parfois donné lieu à d'impressionnantes fusillades. Les drive-by-shooting (Fusillades en passant en voiture) ont causé plusieurs morts innocentes à la suite d'erreurs (En croyant tirer sur un gang rival) ou de balles perdues.

Cette violence sert à pérenniser les activités illégales ou à faire peur.

Au cours des huit dernières années, 15 000 condamnations d'emprisonnement ont été prononcé à l'égard de membres de gangs et 80% des crimes commis aux Etats-Unis sont liés aux gangs selon le FBI. Les autorités ne croient pas à la possibilité d'un démantèlement complet des gangs. Il est à noter que l'espérance de vie moyenne d'un membre de gang est de 25 ans.


Benoît CHAUVEAU